Damien de Laporte a pris les rênes de l’entreprise savoyarde Avrillon Agencement voici deux ans. Rencontre avec un artisan qui a délaissé sa première vie professionnelle pour se consacrer à sa passion: l’agencement

Damien de Laporte, 37 ans, dirige Avrillon Agencement, à Sillingy, près d’Annecy (Haute-Savoie), depuis 2019. Son nom l’y prédestinait-il ? La passion du bois lui a en tout cas été très tôt transmise par son grand-père architecte, menuisier à ses heures perdues, puis par son père, très bon bricoleur… Avrillon Agencement pour sa part n’est pas une entreprise très ancienne. Il ne s’agit pas d’une menuiserie savoyarde datant du XIXe siècle ou des années 50, comme on pourrait l’imaginer. Depuis 1997, Philippe et Didier Avrillon étaient la référence locale pour les particuliers et les professionnels de la région d’Annecy désireux de faire appel à des artisans de l’agencement. La société familiale s’est agrandie au fil des projets et des collaborations avec des architectes, tout en conservant son esprit d’origine : l’authenticité du savoir-faire servie par les techniques modernes. Elle a ainsi acquis une réputation de «haut couturier » de l’agencement, capable de créer une multitude de projets sur mesure et haut de gamme pour des finalités très variées : cuisine, dressing, salle de bains, bureau, magasin, restaurant, pharmacie, hôtel, cabinet dentaire… Lorsque les deux fondateurs cèdent leur entreprise, la Menuiserie Avrillon change de nom et devient Avrillon Agencement.

Office de tourisme du Grand-Bornand (Haute-Savoie). Banques d’accueil en cubes de lamellé-collé épicéa. Résine V-Korr et Perfect Mat Egger pour les agencements.

Restructuration et embauches

Damien de Laporte était ingénieur en logistique. Après avoir monté une première société, il souhaite se reconvertir dans l’agencement bois. Pas dans la mécanique ni dans l’alimentaire, pas aux Antilles, mais dans le bois, et dans sa région. Il rencontre alors l’équipe de 14 compagnons d’Avrillon, tous passionnés. Adaptabilité et rigueur sont leurs mots d’ordre. Le nouveau patron commence par restructurer; mais loin de licencier, il engage un chargé d’affaires et un chef d’atelier. Car si l’entreprise était prospère, elle était gérée à l’ancienne: « J’ai stabilisé le chiffre d’affaires en ne faisant que de la qualité alors qu’avant ils prenaient tous les projets, ils étaient submergés de travail, sur des chantiers pas forcément rentables…» La société fonctionne en circuit fermé. Les bureaux sont en contact direct avec l’atelier de fabrication. Des «experts » y étudient et chiffrent les projets, réalisent les plans et les devis. Ils sont garants du respect des délais et du budget. Le chef d’atelier coordonne les calendriers, assure les approvisionnements et ajuste la disponibilité des machines. Chaque menuiser conduit un projet de bout en bout, ce qui garantit un travail précis et la continuité de la confection.

Dialoguer, puis accompagner

Dans la relation tripartite architecte d’intérieur – agenceur – client, parfois l’architecte suggère, parfois le client sait exactement ce qu’il veut… ou ce qu’il ne veut pas! « Je passe mes journées en réunions et dans l’élaboration de devis»: enthousiaste à chaque nouveau défi d’agencement, le jeune chef d’entreprise prend le temps de rencontrer puis d’accompagner les clients. Chaque projet mérite un travail bien ficelé, des matériaux adaptés et un soupçon de créativité. Cette alchimie permet de fabriquer un agencement sur mesure qui respecte les goûts (formes, couleurs, matières), les contraintes (volumes, durabilité, praticité, normes d’hygiène et de sécurité, délais…), et s’intègre à la perfection aux espaces: «Le principe pour un architecte est que tout est réalisable. Mais ce n’est pas forcément le cas, alors on trouve toujours une solution pour se rapprocher de son désir final.» Et l’agenceur est plus qu’un simple exécutant: «Pour un grand linéaire de cuisine, il y avait une porte au milieu et ce n’était pas très esthétique. On a fabriqué une “porte invisible”. L’idée n’est pas venue du client ou de l’architecte d’intérieur, c’est nous qui avons proposé cette solution en amont. Cela illustre la relation tripartite dans laquelle l’agenceur apporte lui aussi des solutions.» Les chargés d’affaires et le chef d’atelier accompagnent les clients dans le choix des matériaux et des artisans locaux (miroitiers, ferronniers, marbriers, tapissiers…) partenaires, plutôt qu’avec des prestataires imposés par les architectes: «Je préfère toujours travailler avec nos partenaires…»

Escalier en lamellé-collé chêne avec agencement cuisine laqué.

Un parc machines à la pointe

Toutes les réalisations sont fabriquées dans l’atelier, d’une surface de 700 m² et équipé d’un parc machines moderne et de haute technicité, dont un centre d’usinage à commande numérique et une scie à panneaux à plat numérique. Tout est synchronisé avec les logiciels de l’éditeur 2020: 2020 Design pour modéliser des cuisines en 3D et offrir une présentation réaliste au client, et 2020 Cad/Cam comme logiciel de conception et de programmation machines. Usinage, découpe, placage, montage, façonnage, laquage, vernissage, toutes les étapes de fabrication et de finition sont réalisées localement. Pour solidifier cette expertise et cette exigence, l’entreprise investit régulièrement dans de nouveaux équipements. L’investissement paye car «être toujours à la pointe est un gain de temps et constitue un gros avantage concurrentiel qui nous permet de réaliser des choses que les autres ne peuvent pas faire, ainsi que d’être très réactifs… On est capables de refabriquer un fileur, une porte dans la journée…» Mais il ne faut pas oublier l’essentiel, la pose et l’installation: «On soigne la qualité et la présentation au client. » L’équipe de menuisiers poseurs assure le chargement et le déchargement des camions, le montage, l’installation de l’agencement, mais également de l’électroménager, des éclairages, de la plomberie. Le réglage se doit d’être précis, méticuleux. Il ne s’agit pas pour les clients d’essuyer les plâtres… ni les copeaux ! Passionnée par le travail de la matière, la menuiserie a compilé un savoir-faire encyclopédique pour répondre aux exigences du design contemporain, du plus traditionnel bois brut à la toute nouvelle résine en passant par le placage bois, le trois plis, le stratifié, le médium, le médium laqué ou le mélaminé… « Le gros avantage du bois réside dans le fait qu’il s’agit d’un matériau naturel, recyclable à l’infini. Le plastique des années 70 est en voie de disparition car il vieillit mal. Le bois brut est le plus cher, mais cela dépend de l’essence. La mode est aux laminés en grandes surfaces lisses dans les cuisines. »

«Le bois brut est le plus cher, mais cela dépend de l’essence. La mode est aux laminés en grandes surfaces lisses dans les cuisines.»

Des réalisations uniques

Pour les particuliers, qui représentent 60% de la clientèle, les réalisations répondent à des besoins d’aménagement précis, allant de la réalisation d’une menuiserie spécifique à de l’agencement global: salles de bains, cuisines, dressings, planchers, habillages de murs, claustras, mobilier… «En rénovation, on se contente parfois de changer des façades, on fait du relooking, mais durablement, ce n’est pas très viable…» Les 40% restants sont des professionnels, principalement des cabinets d’architectes, pour qui les projets d’agencement doivent répondre à des besoins à la fois esthétiques, fonctionnels et ergonomiques, et ce qu’il s’agisse de rénovation ou de création. L’objectif est de concilier l’ensemble de ces impératifs en jouant avec les matières, les formes, et en respectant l’identité de chacun, en adaptant les futurs agencements aux différents métiers. Les matériaux sont conformes aux exigences des entreprises (résistance aux passages, facilité de nettoyage, respect des normes d’hygiène), modulables et personnalisés: élégant, rustique, épuré, éclectique, sobre, luxueux, coquet… On a l’impression que les réalisations d’Avrillon Agencement sortent d’usine. Elles ressemblent à des photos de catalogue. La différence, c’est qu’elles sont uniques et s’intègrent parfaitement. Personne n’aura la même salle de bains que vous! Du cousu main: «L’artisanat, c’est la perfection du sur-mesure. »

Rayon de caviste en trois plis épicéa teinté vernis