Déjà précurseur sur un premier modèle, l’organisme de formation a testé la deuxième version de son casque de réalité mixte, qui sort désormais de la gadgétisation. Les bénéfices de ce type de technologie sont tangibles, et pourraient bien venir inonder le secteur de l’agencement.

Illustration d’une séquence de formation des alternants du cursus Opérateur commande numérique.

Il n’y a pas que Facebook et son Metaverse pour mêler virtuel et réel. Il y a aussi l’AFPIA SOLFI2A. Depuis 2018, le centre de formation spécialisé dans l’agencement de l’habitat développe, en partenariat avec le Comité professionnel de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois (Codifab), des systèmes de casques de réalité mixte applicables au secteur de l’agencement. Cette technologie permet de projeter dans son environnement des éléments numériques en 3D; le casque, doté de caméras, peut scanner l’environnement et identifier ce qu’il voit. Le concept est simple. Mais si ce casque en est encore à ses balbutiements, ce n’est plus un gadget dans le domaine de l’agencement, comme l’assure Samuel Richard, directeur général adjoint de l’AFPIA SOLFI2A: «Nous commençons à développer de nombreux applicatifs autour du casque de réalité mixte. Contrairement à la première version, lancée en 2018, tous les doigts sont totalement reconnus, ce qui permet de commander une machine virtuelle, ou même de jouer du piano.» Des avancées technologiques qui ouvrent de nombreux champs d’application dans différents domaines de l’agencement. Pour cela, l’AFPIA SOLFI2A collabore avec HoloForge, une société spécialisée dans la création d’applications immersives, et qui a notamment créé la simulation de vol Flight Simulator. L’entreprise aide le centre de formation à développer toujours plus d’applications pour le domaine de l’agencement et les entreprises du secteur

Des premiers essais concluants

En janvier 2020, l’AFPIA SOLFI2A s’est procuré sept casques de réalité mixte HoloLens 2 de Microsoft. Un investissement important puisque chaque casque coûte 3500 euros, mais que l’aide du Codifab a rendu possible. Certaines entreprises ont déjà pu tester la technologie, comme Biesse France, constructeur de machines d’usinage pour le bois. Et les résultats sont là, comme l’explique Jean-Luc Prunier, directeur de développement service : «Nous devions installer une machine chez l’un de nos clients. Or les plans qu’il avait donnés étaient faux, on s’en est rendu compte lorsqu’ils ont positionné virtuellement la machine sur place grâce au casque, dans l’espace qui devait accueillir le produit.» Le casque de réalité mixte a donc permis d’éviter un problème lors de l’installation qui aurait nécessité des ajustements, et potentiellement causé une perte de temps et d’argent. Si cette situation est propre aux problématiques d’un fabricant, elle se rapproche beaucoup de certaines situations rencontrées sur un chantier, fait remarquer Samuel Richard: «Un artisan pourrait très bien arriver lors d’une phase de la construction afin de projeter virtuellement l’installation qu’il doit réaliser en fonction de ce qui a déjà été fait. Il peut ainsi éviter des erreurs. » Et il fait aussi remarquer que le développement du Bim va évidemment de pair avec cette technologie, permettant d’afficher les caractéristiques d’un produit qui apparaît dans le champ de vision.

Des formations facilitées

L’AFPIA SOLFI2A étant un centre de formation, l’utilisation du casque de réalité mixte pour former les professionnels est naturelle. «Nous développons aussi ces solutions pour permettre aux entreprises de former leurs nouveaux opérateurs sur des machines coûteuses. Il est possible, tout en étant à côté de la machine, d’interagir avec elle sans qu’elle soit en fonctionnement », explique Samuel Richard. Un point qu’explicite Jean-Luc Prunier: «Côté formation, on souhaite vulgariser et mieux faire comprendre des sous-ensembles de la machine, par exemple une électrobroche qui va usiner des morceaux de bois, et qui fait des mouvements cinq axes. À ce moment, on peut montrer son fonctionnement sans mettre la tête dedans. » C’est toute la compréhension du cycle et de l’automatisation de la machine qui entre ici en jeu, et qui permet de former les opérateurs en toute sécurité. C’est aussi un bon moyen pour l’AFPIA SOLFI2A d’améliorer ses formations, en collaborant avec des industriels comme Biesse. Mais cela ne veut pas dire que les futurs opérateurs passeront leur temps dans un casque virtuel, fait remarquer Jean-Luc Prunier: «Il faut voir cette technologie comme un complément à la théorie et à la pratique. »

Illustration de l’utilisation du Proof of Concept (POC, pour la vérification de la faisabilité) sur la machine Rover A du fabricant italien Biesse, en vue du salon Eurobois.

 

Une technologie au service du commerce

Le casque de réalité mixte peut aussi avoir de nombreuses vertus commerciales. Chez Biesse, cette technologie permet d‘imaginer des showrooms qui, paradoxalement, deviennent plus petits et présentent plus de produits: « On pourrait diminuer le nombre de machines dans un showroom, et agrandir notre catalogue. Les casques de réalité mixte pourraient nous permettre de montrer des modèles normalement impossibles à présenter dans un showroom. » Et Jean-Luc Prunier observe également un intérêt serviciel, notamment pour pallier le manque de main-d’œuvre : « Pour résoudre ce problème sur le marché alors que nous sommes en pleine croissance, nous pouvons penser qu’à l’avenir il faudra accompagner et dépanner de plus en plus à distance. » Cependant, les obstacles sont encore nombreux, même si Jean-Luc Prunier estime que la technologie pourrait se démocratiser, à la manière des smartphones, « dans les cinq prochaines années ». Pour cela, « reste aux artisans et aux professionnels de s’équiper en casques, continue Samuel Richard, mais les prix sont toujours prohibitifs. Il y a beaucoup d’interfaçage pour pouvoir les utiliser, donc un gros travail informatique à faire. Par ailleurs, si les puissances de calcul se développent, cela permettra d’aller plus loin dans les textures, de s’approcher d’une photo réelle. » Si les applications clés en main n’existent pas encore, l’AFPIA SOLFI2A pourrait profiter des gros investissements que réalisent notamment Microsoft ou Facebook dans le domaine. L’organisme de formation compte cependant prendre les devants, et présentera le casque de réalité mixte lors du prochain salon Eurobois.

«Il faut voir cette technologie comme un complément à la théorie et à la pratique.»

Dossier réalisé par Pierre-Olivier Chanez, Victor Dubois-Carriat et Brice-Alexandre Roboam