Si le secteur ne propose pas d’innovations majeures, le marché des panneaux bois reste marqué par de fortes tendances qui viennent structurer l’agencement intérieur. État des lieux.

C ’est aujourd’hui l’adage de nombreux fabricants et spécialistes de l’agencement intérieur: avec le confinement, les particuliers ont investi dans leur intérieur, et veulent surtout faire entrer la nature chez eux. Dans ce contexte, le panneau bois trouve toute sa place, comme l’explique Hervé Quilio, chef de marché chez Dispano: «Il y une tendance portant sur les matériaux issus de bois de récupération, qui présentent un aspect authentique et naturel. On le voit notamment dans les agencements moyen et haut de gamme. L’intérêt pour ce type de produit, et pour le panneau bois en général, est de retour. »

Panneaux décoratifs…

Cette recherche d’authenticité n’exclut pas la recherche de nouveautés. «On va de moins en moins sur des produits standardisés et de plus en plus sur des produits à forte valeur ajoutée, explique François Régnier, dirigeant du distributeur Ébénisterie Service. Je dis souvent qu’on est passés du prêt-à-porter au sur-mesure. Par exemple, on a vendu des panneaux imitation béton pour un restaurant.» Cette tendance est illustrée par un type de produit qui a le vent en poupe : le panneau décoratif. Un constat qu’établit également Hervé Quilio: «Les fabricants font preuve de créativité en termes de panneaux décoratifs, il y a beaucoup plus de produits qu’avant, car ils sont concentrés sur ce segment, avec par exemple le mélaminé décor. Plutôt que sur les couleurs bois, les décors sont maintenant conçus autour d’aspects minéraux, métalliques vieillis, à l’exemple du style vintage industriel, très en vogue.»

… et essences claires

Hervé Richard, directeur commercial du fabricant de panneau bois Thébault, note de son côté un fort intérêt pour les essences claires, comme le pin maritime. «L’architecte vise la matière, la lumière, et va pouvoir utiliser le bois de manière naturelle ou vernie », expliquet-il. Selon lui, « le pin maritime est facile à travailler, prend bien la teinte et offre l’avantage d’un aspect haut de gamme tout en restant économique ». À Unilin Panels, Denis Fays, responsable des ventes France, relève un autre changement de paradigme : «On misait beaucoup sur l’esthétique des défauts, comme sur le bois de récupération, un peu dans un esprit scandinave. Ces tendances demeurent, mais le marché pousse vers des bois de fil, avec des textures plus soyeuses et un placage bois véritable. » Certaines essences reviennent aussi en grâce. Chez Thébault, il s’agit du peuplier, tandis que François Régnier observe, chez Ébénisterie Service, une forte demande pour le noyer. Hervé Quilio pointe de son côté un retour en force d’essences alternatives, comme le hêtre et le frêne, abondants en Europe. Par ailleurs, certaines essences ne sont aucunement affectées par les tendances, comme le chêne, qui reste «une valeur absolue» selon François Régnier.

Le peuplier revient en grâce dans les intérieurs.

L’écologie, un marché de niche…

Le retour en force des essences locales traduit aussi, selon Hervé Richard, une tendance de fond: « Par exemple, le peuplier est puisé localement, et issu de cultures bénéficiant de labels environnementaux. Le consommateur est ainsi avisé que l’on est attentifs à la préservation des massifs. » Et les industriels emboîtent le pas à cette demande grandissante, comme l’explique François Régnier: «Nous voyons maintenant une offre de panneaux écocertifiés, ce qui n’était pas le cas avant. Et les demandes des architectes vont en ce sens. » Pour l’instant, les fabricants communiquent peu sur ce segment, ils tâtonnent et attendent de voir comment le marché évolue. Il ne s’agit donc pas d’une tendance lourde, mais émergente. Cela n’empêche pas certains d’investir, comme Unilin Panels: «En sept ans, nous avons investi 40 millions d’euros dans le bois recyclé et le bois issu de la déconstruction», précise Denis Fays. Le fabricant produit et utilise des colles à faible taux de formaldéhyde, et vient d’annoncer avoir réussi à injecter du panneau MDF déjà fabriqué dans ses produits: «C’est quelque chose qu’on n’arrivait pas à faire, et nous avons réussi ! » s’enthousiasme le responsable des ventes France du fabricant. Si, pour l’instant, le taux de panneau MDF réinjectable reste sous la barre des 5%, l’objectif est pour l’industriel d’arriver à 25% d’ici à 2030: «Le principal, c’est que nous soyons parvenus à le faire. Il y a un énorme virage sur l’utilisation des bois de pré et de post-consommation. D’ailleurs, nos panneaux de particules contiennent 90% de bois post-consommation.»

… qui se déploie

Un virage que confirme Hervé Quilio en pointant les initiatives de certains fabricants: « Il y a notamment la société Allin avec son panneau de contreplaqué Tout Peuplier R-Ply, qui utilise une colle composée de 100% d’éléments bio-sourcés. ». Il cite ensuite la gamme de panneaux MDF Next STD chez Panneaux de Corrèze, qui n’utilise que les résidus inutilisés des arbres, de l’huile de colza et de tournesol ainsi qu’une résine 100 % végétale, sans ajout de formaldéhyde. Et la gamme Be.Yond de Swiss Krono, composée de panneaux agglomérés avec au moins 98 % de matériaux naturels. Du fait de leurs qualités écologiques et sanitaires, ces produits qui réduisent les Cov et les formaldéhydes sont prisés des marchés qualitatifs comme ceux de la petite enfance ou encore du luxe, sensibles à ces problématiques.

Quelques innovations arrivent sur le marché

Si la tendance générale semble laisser peu de place aux innovations, celles-ci sont tout de même loin d’être absentes. Chez Dispano, Hervé Quilio en remarque notamment deux, qui arrivent sur le marché : «Il y a d’abord la gamme de panneaux bois hybrides Nuance chez Polyrey, destinés à la salle de bains. Ils se posent directement sur le carrelage et permettent ainsi de réaménager une salle de bains en limitant les travaux. Cela existe déjà en Grande-Bretagne, et commence à connaître un certain succès en France.» Il cite aussi le panneau médium teinté dans la masse, de plus en plus prisé. Chez Unilin Panels, c’est une toute nouvelle gamme de panneaux mélaminés, le Master Oak, que met fortement en avant Denis Fays: «Nous avons breveté une nouvelle presse qui permet d’obtenir, sur les panneaux bois mélaminés ou stratifiés, une finition imitant le bois au toucher. Avec cela, on a véritablement franchi un cap. » Cette finition inédite, qui sera utilisée pour des produits haut de gamme, restera tout de même moins chère que les bois de luxe.

Nous voyons maintenant une offre de panneaux écocertifiés, ce qui n’était pas le cas avant. Et les demandes des architectes vont en ce sens.