L’atelier JMCA est un studio de création pluridisciplinaire, du design à l’architecture, créé en 2011 par Angélique Maillard, architecte d’intérieur et designer, et Julien Cottier, architecte HMONP. Le duo propose une approche sensible et contextualisée des projets, et accorde une importance particulière aux matériaux utilisés – notamment le bois. Entretien avec Angélique Maillard.

Quels aspects ou caractères du bois essayez-vous de mettre en avant à travers vos projets ?
Le bois est un matériau que nous aimons particulièrement travailler dans nos projets d’architecture intérieure. Qu’il soit massif, plaqué ou en panneau, nous aimons expérimenter, explorer de nouvelles applications autour de cette matière. Nous aimons la poésie qui se dégage du bois : c’est un matériau brut, vivant et noble à la fois, qu’on ne se lasse pas de sentir, de toucher, d’observer se patiner, se fendre ou se griser… Véritable laboratoire sensoriel, le bois éveille l’ensemble de nos sens et nous ramène très souvent à une histoire personnelle, ce qui le rend très accessible
et universel. Toutes ces qualités sont de véritables atouts pour la création et l’aménagement d’espaces au sein desquels nous cherchons toujours à susciter l’émotion, le bien-être et le confort des usagers.

 

Perspective et lignes de fuites pour le restaurant O’Distingo à Eaubonne (95).

 

Comment travaillez-vous la matière pour trouver la réponse adéquate à chaque réalisation ?
Une des autres raisons pour lesquelles nous aimons ce matériau réside dans la possibilité de le travailler in situ, notamment lorsqu’il est utilisé en massif ou en panneau. Intervenant régulièrement dans la rénovation et la réhabilitation de l’ancien, nous sommes très souvent confrontés à un site pour lequel il faut s’adapter et proposer une réponse en adéquation avec ce qui est déjà en place. Cette recherche, souvent menée de concert par le concepteur et l’artisan, devient un véritable défi donnant souvent naissance à des pièces uniques et sur mesure que l’on ne retrouvera nulle part ailleurs. Cette mise en valeur d’un savoir-faire, la recherche du « juste nécessaire » et la pérennité fonctionnelle sont des notions auxquelles nous accordons une grande attention dans nos réalisations. Notre projet de restaurant O’Distingo exprime tout particulièrement ces préoccupations. Cet établissement est situé au coeur d’un bâtiment datant de la fin du XIXe siècle. L’espace devait subir une lourde réhabilitation en amont de l’aménagement intérieur, avec notamment la suppression de tous les planchers bois qui ne répondaient plus aux normes en vigueur. La plupart des solives et des poutres en chêne massif étaient en très bon état : en les faisant déposer soigneusement par l’entreprise de curage, nous avons pu en conserver un certain nombre et les réemployer dans notre projet d’architecture intérieure. Une fois sablées puis traitées, les poutres sont devenues des claustras et des supports d’étagères dans le restaurant. Ces pièces en chêne massif du XIXe siècle ont trouvé une nouvelle utilité au sein de ce bâtiment, et participent pleinement à son histoire et à sa transformation.

 

Une des autres raisons pour lesquelles nous aimons le bois réside dans la possibilité de le travailler in situ, notamment lorsqu’il est utilisé en massif ou en panneau.

 

Quelles sont les applications ou les solutions bois potentiellement intéressantes dans l’aménagement d’intérieur, notamment en termes acoustiques ou thermiques ? Y a-t-il des tendances du marché ?

Les propriétés acoustiques et thermiques du bois ne sont plus à démontrer. En développant pour « Forçat – Bureaux nomades » (voir pages suivantes) notre concept de bureau mobile sur la base d’un fourgon utilitaire, nous avons choisi des panneaux de fibres de bois compressées pour isoler le plancher du véhicule : légers, facilement usinables et très performants thermiquement, ils correspondaient parfaitement à nos besoins. Dans l’univers de l’hôtellerie-restauration, le bois est un véritable allié pour le traitement acoustique d’une salle de restaurant ou d’un espace petit déjeuner d’hôtel.
Grâce à ses nombreuses possibilités de mise en oeuvre et aux nouveaux outils de conception et de fabrication numérique, il devient plus simple d’allier technicité et décoration via les découpes laser, les usinages à la commande numérique trois, quatre ou cinq axes, etc. Ces nouvelles technologies offrent d’intéressantes alternatives aux panneaux acoustiques standardisés et permettent aux architectes et aux designers d’élargir le champ des possibles dans le traitement de l’absorption acoustique d’un espace. Il devient possible de créer des éléments sur mesure, personnalisés, en accord avec le parti pris esthétique d’un projet, et ainsi de faire de cette contrainte un véritable atout.

Inspiration moucharabieh pour le restaurant du LaM, le Musée d’art moderne de Lille Métropole.

 

Quel avenir pour le matériau bois, avec quelles innovations ?
En France, nous possédons le savoir-faire et la filière. Le bois est une ressource naturelle, durable et renouvelable. En tant que designers et architectes, nous devons adapter nos utilisations, valoriser les circuits courts, les essences locales, et actionner ce cercle vertueux de l’économie circulaire qui permettra de pérenniser la ressource tout en conservant l’équilibre environnemental. Penser l’architecture et le design de manière écoresponsable, réduire la consommation énergétique des bâtiments et les adapter à leur environnement, c’est penser à ce qui sera légué aux générations futures. L’enjeu climatique et l’enjeu esthétique doivent se rejoindre afin de construire le monde de demain, et cela passe par de nouveaux modes de conception et de construction architecturale.

 

Crédits photos : Atelier JMCA, Julien Cottier, David Foessel