Pièce essentielle de nos intérieurs, la cuisine occupe une position de plus en plus forte au sein de l’habitat. Identité assumée, espace optimisé jusque dans les moindres recoins, modularité réfléchie, fonctionnalités multipliées… la cuisine est désormais une pièce assumée par ses occupants, qu’il faut (et dans laquelle) investir. La recherche d’innovation et de nouveauté dans l’aménagement est telle que les cuisines professionnelles tendent parfois à s’inspirer des configurations des particuliers, avec notamment de plus en plus de cuisines ouvertes. Décryptage à travers les regards croisés de différents professionnels du secteur.

 

Combien de temps passez-vous dans la cuisine ?

Aimez-vous cuisiner ? Que faites-vous comme autres activités dans la cuisine ? » Alexandra Boussagol, architecte d’intérieur basée à Paris, est spécialisée dans des aménagements de projets résidentiels urbains. Les échanges avec chaque client passent par des questions simples et méthodiques pour cerner leurs attentes. « Quel que soit le budget ou la superficie, qu’ils aiment ou non cuisiner, les clients souhaitent avoir une plus grande cuisine. Elle est devenue une pièce à montrer tandis qu’on ne montre pas sa salle de bains », constate-t-elle. Selon ses nombreuses expériences, la cuisine se positionne comme une véritable pièce de réception. Par conséquent, il faut choisir des matériaux esthétiques, différents du salon ou de l’entrée, et surtout la scénariser afin qu’elle soit « montrable ». Dans un projet d’appartement familial rue de Courcelles à Paris, la cuisine est séparée de l’entrée par une grande verrière à effet Mondrian. Une large porte battante montre l’accès à la cuisine. La grande pièce a permis de placer un îlot central avec évier et deux éclairages suspendus pour habiller l’espace. Les façades de mobilier sont en bleu sombre avec un plan de travail Silestone à effet marbre de carrare. Une grande table en châtaignier, dotée d’un plateau découpé dans la verticalité du tronc de l’arbre, décore la pièce où la famille se retrouve à chaque repas.

Dans une belle cuisine fonctionnelle et ergonomique, lorsque les conditions de travail sont bonnes, les personnels restent.

Nonna Angela, un restaurant, épicier et traiteur italien implanté à Grésy-sur-Aix et imaginé par l’agence Eskis.

Modèles professionnels

Les cuisines professionnelles cherchent aussi à trouver leur identité. « Concevoir une belle cuisine fonctionnelle, performante et ergonomique est bénéfique car elle optimise le chiffre d’affaires. En outre, lorsque les conditions de travail sont bonnes, les personnels y restent. Dans la conjoncture actuelle, où trouver et retenir des personnels dans l’hôtellerie et la restauration sont difficiles, c’est une solution sine qua non », commente Mathieu Laurent, ancien chef de cuisine qui a appris le métier de l’architecture d’intérieur sur le tas. Associé à Marion Genève, architecte d’intérieur de l’agence Eskis basée à Annecy, ils sont spécialisés dans les aménagements, rénovations et conceptions de restaurants, bars et hôtels. Mathieu Laurent poursuit : « Notre objectif est aussi de nous développer dans les projets d’aménagements de chalets, car nous pensons que leurs propriétaires seront potentiellement une clientèle qui cherchent une cuisine sophistiquée, inspirée du milieu professionnel. »

Aujourd’hui, une nouvelle pratique se développe de plus en plus : le ghost ou darkkitchen, soit le principe d’une cuisine cachée et/ou partagée. En résumé, ce sont des cuisines professionnelles partagées, dédiées à la livraison. Ainsi, les chefs n’investissent plus dans des projets économiques lourds, et le principe permet de mutualiser le local et le loyer en fonction de chaque modèle économique. C’est une nouvelle offre née de l’ère digitalisée qui réinterprète le système des fast food, et qui s’est renforcée à la suite de la crise sanitaire et l’envie de manger bon et bien. Les chefs se consacrent des menus créatifs, savoureux et sains, tandis que les consommateurs profitent de déguster chez eux des produits de qualité à des prix abordables. C’est une méthode qui permet de démocratiser le métier.

 

L’embellissement des cuisines est un marché à fort potentiel.

Embellissement facilité

« 80 % des Français estiment que le prix est un frein qui les empêche de renouveler leur cuisine », déclare Matthieu Toursel, fondateur de RYK (RelookYourKitchen), une startup lilloise créée en 2021 qui propose des solutions astucieuses de rénovations de cuisines. Pendant 10 ans, Matthieu Toursel a travaillé chez Leroy Merlin en tant que chef de produits dans le secteur cuisine avant de prendre la direction du marché cuisine-rangement et d’accompagner l’évolution du programme cuisine en kit de l’enseigne à l’échelle internationale. De quoi connaître parfaitement les attentes des consommateurs.
Or jusqu’à aujourd’hui, il n’existait pas d’autres alternatives que de peindre les façades ou le plan de travail pour changer de décor, pour une solution qui en plus ne convenait pas à tous et ne durait pas dans le temps. Ajouté à ce constat, le fait que les enseignes comme Ikea depuis 2014 et Leroy Merlin depuis 2018 ont fait évoluer leur programme de cuisine mais ne sont plus en mesure d’apporter des solutions d’embellissement comme auparavant. « Cinq millions de cuisines domestiques françaises ont plus de huit ans. La part du marché d’Ikea représente environ 22 % et celle de Leroy Merlin 10 %. Donc le nombre de cuisines à relooker est potentiellement énorme », analyse Matthieu Toursel à propos de la genèse de son business. Sa solution ? Apporter des façades pré-percées parfaitement adaptées pour conser-ver la structure déjà installée, y compris la quincaillerie. Pour un visuel à l’état neuf.

 

 

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