Ameublement, aménagement, créations… les artisans d’art sont indispensables aux intérieurs. Hôtels, boutiques de luxe ou résidences privées recherchent avidement l’exception, la pièce unique qui leur permettra de se démarquer d’un modèle trop souvent convenu. C’est dans le dessein de valoriser ces professionnels que l’Ameublement français et l’Union nationale de l’artisanat des métiers de l’ameublement (Unama) ont choisi de promouvoir quelques ateliers prestigieux. Florilège.

Henryot & Cie

Au rayon des manufactures renommées, difficile de ne pas citer Henryot et Cie. Créée en 1867, elle consacre principalement son savoir-faire aux marchés du luxe, entre palaces et résidences de prestige. Parmi ses plus belles références, l’atelier compte notamment l’Opéra Garnier, le Crillon, le Ritz ou encore le Royal Mansour. Menuiserie spécialisée dans les sièges et le meuble sur mesure à base d’essences locales (hêtre et chêne vosgiens), «elle est la seule à proposer l’intégralité de tous les grands courants stylistiques des arts décoratifs français depuis le style Louis XIII», vante Dominique Roitel. Dirigeant de la manufacture depuis 2006, celui-ci a fait des études à l’école Boulle et à l’École du Louvre, est diplômé en architecture d’intérieur, et a bien évidemment été formé à la menuiserie et à l’ébénisterie. Il est également membre du conseil de l’Afpia Nord-Est. S’il considère les outils numériques comme désormais « incontournables » (l’atelier dispose d’un centre cinq axes et d’un scanner 3D), il entend faire en sorte que « le geste soit toujours supérieur à la machine ». Henryot et Cie est également réputée pour ses collections Ligne H, des meubles contemporains au design adapté aux modes de vie d’aujourd’hui – une façon de revisiter les modèles classiques.

Atelier de la Boiserie

L’Atelier de la Boiserie est un bel exemple d’adaptation. Spécialisée dans la fabrication et restauration de menuiseries de style, la maison s’est également tournée vers l’agencement afin de diversifier ses propositions. Vincent Gounon, son dirigeant depuis 2010, est ingénieur diplômé d’histoire de l’art, et n’hésite pas à faire valoir ses connaissances pour créer quelque chose de nouveau: «Héritiers des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, nous nous inspirons de cette tradition pour la réinventer. » Faire du neuf avec du vieux ? Bien mieux que cela. Si la manufacture reste bien évidemment spécialisée dans le bois, elle travaille et lui associe d’autres matériaux comme le métal ou le cuir, et des fonctions comme l’éclairage. Ces créations d’exception, «où s’allient modernité et tradition», plaisent au marché du luxe. Outre sur des projets privés en Suisse, en Russie ou aux États-Unis (70% des clients sont à l’international), l’atelier a travaillé pour le musée Yves-Saint-Laurent, une boutique Hermès, ou l’hôtel George V à Paris.

 

Atelier Muquet

Les panneaux décoratifs sont une des bases de l’agencement intérieur. Conçus par des artisans d’art, ils deviennent des pièces uniques très prisées, à la limite de l’œuvre contemporaine – surtout s’ils ont été travaillés à la laque, spécialité de l’atelier Midavaine. Fondé en 1919 à Paris, il est désormais dirigé par Anne, de la troisième génération de Midavaine. Si le travail de la laque est un savoir-faire très ancien originaire d’Asie, la maison est constamment à la recherche d’innovations pour faire évoluer ses pièces. Application de la laque, ponçage, modelage sont autant de savoir-faire des six artisans de l’atelier, qui se consacrent aussi à « l’application de métaux précieux tels que la feuille d’or ou la feuille d’argent du Japon». Prescripteurs et grandes marques sont les principaux clients, notamment à l’international (Moyen-Orient, Asie, États-Unis…).

 

 

Ateliers Midavaine

Au rendez-vous historique, les ateliers Muquet répondent présent. Reconnus depuis 1640 pour leur savoir-faire en ébénisterie, ils sont désormais experts en panneaux et agencements décoratifs. «Nous réalisons des ouvrages uniques et sur mesure comme la boiserie d’un salon incrustée de nacre et d’étain, un dressing aux dimensions hors normes, ou encore une porte monumentale de 16 m2 », détaille succinctement Christophe Lalla, gérant depuis 2005. Modeleur, sculpteur, ébéniste, vernisseur sur laque… les spécialités de la quarantaine d’artisans qui travaillent dans les ateliers parisiens sont variées, mais ont toutes pour but de réaliser un ensemble, s’insérant dans des créations innovantes. «Nous transformons des matières premières nobles […] et [nous développons] continuellement de nouvelles textures à proposer à nos clients. » Tokyo, Hong Kong, Londres ou encore Moscou… les réalisations des ateliers Muquet sont vendues dans le monde entier, et bien sûr plaisent aux grandes marques de luxe. On les retrouve d’ailleurs chez LVMH, Cartier, Dior ou Chaumet entre autres.

 

L’Atelier du Meuble contemporain

L’Atelier du Meuble contemporain représente la parfaite union entre tradition et modernité. Fondé en 2002 à Paris, il revisite les codes traditionnels de l’ébénisterie pour les adapter au design contemporain. Bernard Mauffret, son créateur, a multiplié les expériences professionnelles (apprenti charpentier, restaurateur de monuments historiques, bureau d’études d’architecture), ce qui lui a conféré le «goût de l’expérimentation». Impression 3D, découpe laser, électroérosion… il utilise toutes les technologies numériques modernes. « Placage, assemblage, charpente, lamellé-collé, étuvage, moulage ou placage 3D, voilà l’essentiel de mes savoir-faire.» Il répond principalement à une clientèle d’architectes et de designers français et européens, et travaille également avec le Moyen-Orient. «Adapter mes créations aux demandes extérieures est l’une des forces de mon travail», souligne-t-il. Bernard Mauffret a obtenu le Premier Prix de l’œuvre au Salon du meuble de Paris en 2005 pour sa table Épure, en structure sycomore teinté supportant un plateau de verre Securit. L’Atelier du Meuble contemporain est labellisé Entreprise du patrimoine vivant depuis 2005.

 

Pouenat

Entre le bois et les décors minéraux, le métal ne trouve pas facilement sa place dans l’agencement intérieur, si ce n’est en petite touche d’agrémentation. Pourtant, l’héritage des ferronneries d’art autorise les projets les plus créatifs. Un credo que les ateliers Pouenat ont bien compris. Ferronniers d’art depuis 1880 à Moulins (03), ils se sont spécialisés dès les années 60 dans la décoration et l’agencement d’intérieur en métallerie, avec la création de portes, de cloisons ou d’habillages muraux. Lors de sa reprise en 1995 par Jacques Rayet, Pouenat s’est orienté vers d’autres pistes pour compléter son offre: créations architecturales, meubles, luminaires… le plus souvent en partenariat avec des designers et des architectes. «Notre métier a parcouru de nombreux styles décoratifs, explique le dirigeant, et la maison Pouenat s’adapte à tous, du plus classique au plus contemporain.» Différents métaux sont régulièrement travaillés: l’acier, l’inox, le laiton, l’aluminium, le cuivre, le bronze… associés à des matériaux tels que le verre, le bois, la céramique, la pierre ou le tissu. On retrouve évidemment ces réalisations dans des lieux associés au luxe: des hôtels tels le Plaza Athénée, le Meurice ou le Crillon, ou encore des boutiques comme Balmain, Hermès ou Dior.

 

Atelier Alain Ellouz

En agencement intérieur, la pierre est tout particulièrement appréciée pour son aspect brut, minéral. C’est cependant en faisant preuve d’originalité qu’Alain Ellouz, entrepreneur dans l’informatique mais passionné de sculpture, choisit de s’orienter vers l’albâtre lorsqu’il fonde son atelier en 2006. «L’albâtre est une pierre très fragile […] et il nous aura fallu deux années pour développer des techniques brevetées et [la] rendre plus dure que le granit.» Surtout, non contraint par les codes dits traditionnels du travail de la pierre, son atelier propose des solutions d’aménagement intérieur ou des luminaires monumentaux dans un style contemporain, épuré. «Nous déconstruisons les codes de la marbrerie [pour faire] dialoguer pierre et lumière.» Bien que basé près de Versailles, l’atelier ne travaille guère pour la France, 20% seulement de ses créations restant dans l’Hexagone. L’Europe, et surtout les États-Unis (l’atelier dispose d’un showroom à New York), sont les destinataires principaux, le plus souvent pour des prescripteurs, des résidences privées ou bien évidemment des hôtels, restaurants et boutiques de luxe. Sur la liste des clients, on retrouve Dior, Chaumet, Van Cleef & Arpels, ou encore Rolls-Royce.

 

L’ébénisterie Pierre Joussot et Fils

Boiseries, placards, bibliothèques… dans l’utilisation du bois (beaucoup) et du métal (un peu), rien n’échappe à l’ébénisterie Pierre Joussot et Fils, basée à Champforgeuil (71). L’atelier est spécialisé dans le mobilier traditionnel aussi bien que contemporain, sans oublier la réédition de boiseries ou de meubles en bois doré, et privilégie les essences caractéristiques de sa région (chêne, noyer et merisier). La société familiale s’est également tournée vers l’agencement intérieur en 1982, notamment pour des appartements privés ou des hôtels. Elle travaille avec des architectes, designers, décorateurs, mais aussi avec des musées et des galeries en Europe, en Chine et aux États-Unis. « J’ai souhaité poursuivre l’ouvrage de mon père, explique Emmanuel Joussot, gérant de l’entreprise, partager le goût des matériaux et de l’excellence. » Bien qu’experts dotés d’un savoir-faire traditionnel, les artisans de l’atelier n’hésitent pas à tendre vers des techniques plus innovantes, par exemple le numérique ou la métallisation du bois par pulvérisation ou par application. L’atelier a reçu le label Entreprise du patrimoine vivant en 2012, et le Prix de la fondation Bettencourt en 2013.

Par Brice-Alexandre Roboam