{"id":119267,"date":"2023-10-23T15:06:55","date_gmt":"2023-10-23T13:06:55","guid":{"rendered":"https:\/\/l-agenceur.com\/?p=119267"},"modified":"2023-10-23T15:06:55","modified_gmt":"2023-10-23T13:06:55","slug":"inventer-une-poesie-nouvelle","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/l-agenceur.com\/2023\/10\/23\/inventer-une-poesie-nouvelle\/","title":{"rendered":"Inventer une po\u00e9sie nouvelle"},"content":{"rendered":"

Le studio MHNA se positionne comme un acteur incontournable de l\u2019am\u00e9nagement int\u00e9rieur. Fond\u00e9e par Marc Hertrich et Nicolas Adnet, l\u2019agence multiplie les projets vari\u00e9s en France et de par le monde, tant\u00f4t confidentiels, tant\u00f4t spectaculaires, mais toujours avec le m\u00eame objectif: cr\u00e9er des lieux d\u2019exception m\u00ealant esth\u00e9tique, fonctionnalit\u00e9, technique et po\u00e9sie. Nicolas Adnet nous livre son point de vue sur l\u2019\u00e9volution et les perspectives de l\u2019agencement des espaces de restauration.<\/p>\n

Au lendemain de la crise sanitaire, quels sont vos observations et vos constats pour le secteur de la restauration?<\/strong><\/p>\n

Je pense qu\u2019en France, les aides ont \u00e9t\u00e9 bien cadr\u00e9es pendant la crise. Et c\u2019est aujourd\u2019hui que ceux qui n\u2019\u00e9taient pas solides \u00e0 la base traversent les vraies difficult\u00e9s. En parall\u00e8le, l\u2019inflation cumul\u00e9e \u00e0 un climat \u00e9conomicosocial particulier cr\u00e9e un contexte tendu. Prenons l\u2019exemple de la formule du midi : si vous souhaitez consommer des produits qualitatifs, le prix est pass\u00e9 de 12-13 euros \u00e0 17-19 euros. La majeure partie de la population ne peut pas y consacrer un budget de 19 euros tous les midis. D\u2019autre part, le service de livraison de repas \u00e0 domicile ou au bureau a explos\u00e9. C\u2019est une tendance qui a pris de l\u2019ampleur pendant la crise sanitaire et qui, indirectement, tue la restauration.<\/p>\n

En termes d\u2019am\u00e9nagement int\u00e9rieur, avez-vous pr\u00e9conis\u00e9 des id\u00e9es pour faire revenir les clients ?<\/strong><\/p>\n

Il y a eu une p\u00e9riode de r\u00e9ouverture, de r\u00e9adaptation ou de r\u00e9organisation des espaces de restaurant. Aujourd\u2019hui, lorsque nous recevons un nouveau projet, aucune ligne du cahier des charges ne demande de dessiner des vasques pour se laver les mains ou la disposition du gel hydroalcoolique. Pendant la pand\u00e9mie, nous avions r\u00e9fl\u00e9chi \u00e0 des vasques \u00e9l\u00e9gantes, comme on en voit souvent \u00e0 l\u2019entr\u00e9e des restaurants italiens ou portugais. Mais les clients n\u2019en veulent plus. Ils d\u00e9sirent oublier la crise sanitaire, qui a \u00e9t\u00e9 un traumatisme, un choc.<\/p>\n

Que recherche la client\u00e8le d\u2019aujourd\u2019hui, et comment la capter ?<\/strong><\/p>\n

Il y a plusieurs types d\u2019attente, qui varient selon le genre de restaurant. On constate chez les jeunes chefs une tendance \u00e0 s\u2019orienter vers une cuisine sophistiqu\u00e9e. Ils cr\u00e9ent un nouveau type de cuisine gastronomique plus accessible en faisant red\u00e9couvrir des produits travaill\u00e9s, mais pas d\u00e9natur\u00e9s. Faire vivre l\u2019exp\u00e9rience gustative et \u00e9veiller la curiosit\u00e9\u2026 c\u2019est travailler sur le m\u00e9lange des produits et la d\u00e9couverte tout court. Avec plusieurs petits plats, la composition des menus d\u00e9structure le repas traditionnel. Je les d\u00e9cris comme une promenade gustative, on emm\u00e8ne les clients et on leur raconte des histoires sur les produits ou ceux qui les ont cuisin\u00e9s. L\u2019attente de la client\u00e8le dans ce type de lieu, c\u2019est d\u2019\u00eatre transport\u00e9e, de d\u00e9couvrir autre chose. Plus philosophiquement, on constate \u00e9galement de nouvelles attentes li\u00e9es aux valeurs du moment comme le d\u00e9veloppement durable, le circuit court ou le commerce \u00e9quitable. L\u2019\u00e9quilibre est parfois difficile \u00e0 trouver entre d\u00e9couverte, produits exotiques et valeurs morales\u2026 il faut l\u2019aborder avec d\u00e9ontologie.<\/p>\n

L\u2019agencement doit donc suivre cette logique…<\/strong><\/p>\n

Certains restaurateurs souhaitent aussi l\u2019exprimer \u00e0 travers l\u2019am\u00e9nagement. Notre r\u00f4le, avec notre savoirfaire et notre exp\u00e9rience de plus de trois d\u00e9cennies, est de traduire leur cuisine et l\u2019incarner dans un univers qui leur correspond. Que nos clients nous en fassent la demande ou que nous en soyons \u00e0 l\u2019origine, nous restons toujours force de proposition. Aujourd\u2019hui, nous privil\u00e9gions les produits labellis\u00e9s et durables. Nous nous interdisons d\u2019utiliser certains bois et placages dont l\u2019exploitation est dangereuse pour la plan\u00e8te. Le cas s\u2019est pr\u00e9sent\u00e9 lors d\u2019un projet \u00e0 Marrakech : nous souhaitions du c\u00e8dre, et nous avons finalement trouv\u00e9 un \u00e9quivalent en bois exotique en retravaillant la teinte. M\u00eame pour les produits industrialis\u00e9s tels que la fa\u00efence ou le verre, nous privil\u00e9gions le d\u00e9veloppement durable. Les clients finaux sont de plus en plus conscients de cette d\u00e9marche. In fine, m\u00eame \u00e9conomiquement, on retrouve une conscience positive.<\/p>\n

Concr\u00e8tement, comment cela se traduit-il lors de l\u2019ex\u00e9cution des projets?<\/strong><\/p>\n

Cela peut \u00eatre complexe. Par exemple, pour un projet en France, nous souhaitions utiliser un rev\u00eatement mural ignifug\u00e9 en li\u00e8ge recycl\u00e9. Mais le bureau de contr\u00f4le a refus\u00e9 qu\u2019on ne l\u2019utilise que sur 30 % de la surface comme pr\u00e9vu. Alors, plut\u00f4t que d\u2019opter pour la facilit\u00e9 en choisissant un autre mat\u00e9riau moins \u00e9cologique, nous avons repens\u00e9 notre id\u00e9e et r\u00e9imagin\u00e9 le concept pour pouvoir rester sur le produit initialement choisi. Cette conscience collective est tout \u00e0 fait essentielle, dans la restauration ou l\u2019h\u00f4tellerie comme dans tous les projets.<\/p>\n

Quel est votre dernier projet livr\u00e9?<\/strong><\/p>\n

Nous venons de livrer une nouvelle marque d\u2019h\u00f4tel du groupe Hyatt, FirstName \u00e0 Bordeaux. Le restaurant-bar Le Bada y brise le formalisme. Ouvert \u00e0 la client\u00e8le de l\u2019ext\u00e9rieur, il propose une multitude d\u2019espaces diff\u00e9rents gravitant autour du bar central, qui se trouve \u00eatre \u00e9galement la r\u00e9ception de l\u2019h\u00f4tel. On laisse aux clients le choix de vivre l\u2019instant dont ils ont besoin\u2026 Dans ce v\u00e9ritable espace de vie de 280 m2 sous une hauteur de 5,30 m, on se rencontre, on \u00e9change et on partage. C\u2019est un espace totalement hybride, ancr\u00e9 dans la ville de Bordeaux en laissant entrer la nature, ses traditions, sa modernit\u00e9, sa dualit\u00e9 terre et mer. Le bar a \u00e9t\u00e9 con\u00e7u comme un objet sculptural dont le pi\u00e8tement est r\u00e9alis\u00e9 en ch\u00eane fran\u00e7ais, sculpt\u00e9 et bross\u00e9 \u00e0 la main par un artisan d\u2019art, qui se pare de pixels de m\u00e9tal. Au centre, le c\u0153ur de b\u00e9ton est anim\u00e9 par une feuille d\u2019or, tandis que le luminaire, con\u00e7u par Ingo Maurer et intitul\u00e9 My New Flame, rappelle des bougies suspendues en utilisant un circuit imprim\u00e9 comme \u00e9l\u00e9ment d\u00e9coratif. Nous avons cr\u00e9\u00e9 un univers nouveau o\u00f9 la tradition s\u2019associe avec la technologie, o\u00f9 le design permet d\u2019inventer une po\u00e9sie nouvelle. Aujourd\u2019hui, les clients ne veulent plus de contraintes. Ils ne souhaitent plus qu\u2019on leur impose les choses, mais qu\u2019on leur propose des exp\u00e9riences nouvelles. Notre m\u00e9tier est de d\u00e9crypter ces attentes et de les traduire en univers uniques.<\/p>\n

Qu\u2019entendez-vous par exp\u00e9riences nouvelles ?<\/strong><\/p>\n

J\u2019utilise le mot exp\u00e9rience avec parcimonie. Parce que par d\u00e9finition, une fois v\u00e9cue, l\u2019exp\u00e9rience n\u2019est plus la m\u00eame la fois suivante, il n\u2019y a plus la m\u00eame surprise. Nous travaillons afin que les propositions puissent correspondre aux attentes fondamentales des gens. Il faut qu\u2019ils aiment l\u2019endroit, qu\u2019ils s\u2019y sentent bien. Il s\u2019agit de cr\u00e9er un affect avec un lieu qui leur correspond : un jour, le client va venir seul et souhaite d\u00e9jeuner ou snacker tranquille dans un coin ; le lendemain, il va s\u2019installer autour d\u2019une grande table avec ses amis pour pouvoir partager. Il faut correspondre aux valeurs de l\u2019\u00e9poque avec les racines du savoir-faire et de la tradition. Sur ce point, nous nous entendons bien avec certains jeunes chefs qui osent casser les codes. Nous devons cependant toujours veiller \u00e0 int\u00e9grer les fondamentaux du m\u00e9tier: l\u2019organisation, l\u2019ergonomie, le fonctionnement\u2026 Dans la restauration, pour proposer un service de qualit\u00e9, on peut toujours r\u00e9inventer, mais en fin de compte on ne les changera pas fondamentalement. Notre m\u00e9tier est d\u2019avoir les yeux dans les \u00e9toiles et les pieds sur terre. Posons-nous la question : pourquoi allons-nous au restaurant ? Pour nous offrir un moment privil\u00e9gi\u00e9. Tenir cette promesse exige qu\u2019il y ait derri\u00e8re un savoir-faire technique. L\u2019organisation des flux, l\u2019ergonomie, la cr\u00e9ation des stations ou des dessertes\u2026 tout doit \u00eatre structur\u00e9. Si l\u2019\u00e9quipe n\u2019a pas une bonne organisation adapt\u00e9e, elle ne pourra pas bien travailler, donc elle ne pourra pas proposer un service de qualit\u00e9, et fatalement, le client le ressentira. Si une fourchette tombe, le serveur doit en rapporter une dans l\u2019instant. Mais s\u2019il est oblig\u00e9 de traverser tout un couloir pour aller la chercher, cela implique une latence pouvant irriter le client. M\u00eame si l\u2019identit\u00e9 du lieu est tr\u00e8s forte, m\u00eame si la cuisine est excellente, m\u00eame s\u2019il y a la bonne volont\u00e9 de l\u2019\u00e9quipe\u2026 il faut parer tout m\u00e9contentement potentiel, savoir se remettre en question sur l\u2019esth\u00e9tique et entrer dans l\u2019univers du client avec des bases techniques incontournables.<\/p>\n

Privil\u00e9gier l\u2019ergonomie dans le service induit-il de r\u00e9duire le nombre de places assises ?<\/strong><\/p>\n

Non, ce n\u2019est pas obligatoirement li\u00e9. Vous pouvez avoir une certaine densit\u00e9 dans l\u2019espace, mais il suffit d\u2019\u00eatre inventif pour que les gens ne se sentent pas les uns sur les autres. On constate d\u2019ailleurs un paradoxe : les clients souhaitent le plus souvent \u00eatre install\u00e9s \u00e0 la meilleure table, mais n\u2019ont pas envie d\u2019\u00eatre seuls. Il existe des s\u00e9paratifs pour g\u00e9rer la densification. Ne serait-ce qu\u2019un si\u00e8ge, par exemple, ou un ensemble de si\u00e8ges plus hauts qui peut permettre de cr\u00e9er visuellement une sorte de salon. Il faut aussi savoir perdre un peu de place, pour une \u0153uvre d\u2019art ou autre\u2026 pour des \u00e9l\u00e9ments qui agissent comme marqueurs dans l\u2019espace.<\/p>\n

Et la partie cuisine?<\/strong><\/p>\n

Nous ne nous occupons pas directement de la cuisine en production. Nous travaillons avec des cuisinistes qui ma\u00eetrisent tous les aspects techniques. En revanche, ce que nous faisons assez r\u00e9guli\u00e8rement, c\u2019est d\u2019y prolonger notre recherche d\u2019esth\u00e9tisme. Parce qu\u2019il n\u2019y a rien de pire qu\u2019une porte qui s\u2019ouvre sur un laboratoire avec des lumi\u00e8res tr\u00e8s froides, alors que vous \u00eates c\u00f4t\u00e9 salle dans une ambiance compl\u00e8tement diff\u00e9rente. Nous devons \u00e9quilibrer cette transition. Nous collaborons tr\u00e8s \u00e9troitement avec le chef, le cuisiniste, l\u2019acousticien, l\u2019\u00e9clairagiste qui nous conseillent techniquement, et nous associons le tout \u00e0 notre cr\u00e9ativit\u00e9 afin que les clients ne remarquent aucun aspect technique.<\/p>\n

En quelques mots, comment r\u00e9sumez-vous le restaurant ?<\/strong><\/p>\n

Un restaurant, c\u2019est \u00e9galement la lumi\u00e8re, l\u2019acoustique et la sonorisation, qui sont des param\u00e8tres invisibles mais tout aussi importants que le d\u00e9cor. Si le restaurateur souhaite avoir autant de succ\u00e8s pour le service du midi que pour le soir, il faut qu\u2019il sache faire basculer les clients dans un autre univers, en mixant l\u2019\u00e9clairage architectural et d\u00e9coratif par exemple.<\/p>\n

Quelles sont les tendances \u00e0 venir dans l\u2019agencement d\u2019espaces de restauration?<\/strong><\/p>\n

Nous allons continuer \u00e0 cultiver l\u2019esth\u00e9tisme et l\u2019attention. Cela nous demandera d\u2019appr\u00e9hender les projets avec plus de finesse. Aujourd\u2019hui, les gens sont plus sensibles \u00e0 des d\u00e9tails qui ne sont pas forc\u00e9ment li\u00e9s au luxe. Nous ma\u00eetrisons les fondamentaux de notre m\u00e9tier et ce qui nous stimule, c\u2019est de les remettre en question, d\u2019aller rechercher des d\u00e9tails, du sens, l\u2019origine des mat\u00e9riaux ou l\u2019originalit\u00e9\u2026 In fine, l\u2019ADN de notre agence est de travailler dans l\u2019esprit de la haute couture, car chaque projet restera sur mesure. Cette perspective nous pousse \u00e0 aller aussi bien dans la direction de l\u2019authenticit\u00e9 que dans celles de l\u2019artistique, de l\u2019artisanat ou du d\u00e9tournement. Avec une domotique plus pouss\u00e9e, les nouvelles technologies nous permettront des sc\u00e9narii lumineux d\u00e9passant la simple programmation ou la variation. La technologie nous permet aussi de cr\u00e9er de la po\u00e9sie.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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